Casque vélo, la sécurité routière fait de nouveau fausse route
Casque vélo, la sécurité routière fait de nouveau fausse route

Casque vélo, la sécurité routière fait de nouveau fausse route

Malgré tout le respect que l'on doit à nos très chers hauts-fonctionnaires de l'état, ils ne sont clairement pas les plus habilités à comprendre les vicissitudes du peuple français. C'est ce qui arrive quand on vit dans les hautes sphères, loin des soucis des gens d'en bas.

Monsieur Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, que nous avions pu voir à la dernière journée FUB à Nantes et à qui l'on doit la récente loi sur l'obligation du port du casque pour les moins de 12 ans, persiste et signe en déclarant qu'il souhaite "généraliser le port du casque".

Ou comment accuser les cyclistes

Pour cela, il utilise la même technique classique, non pas celle de victimiser les cyclistes, mais en les présentant comme les principaux responsables de leurs malheurs : "Un certain nombre de cyclistes sont très imprudents et ignorent certaines règles" indique-t-il au journaliste de BFM.

Il enchaîne en soulignant que les cyclistes "ignorent certaines règles, notamment les angles morts des poids lourds (...), une des causes assez fréquentes de mort". J'ai eu beau chercher dans le code de la route, il n'y figure absolument aucunes règles stipulant que c'est à l'usager le plus faible d'éviter l'angle mort. En revanche, article R316-6 "Tout véhicule à moteur doit être muni d'un ou de plusieurs systèmes de vision indirecte". Faut-il encore que les conducteurs les utilisent.

Il est évident que les cyclistes doivent savoir qu'il ne faut pas circuler dans la zone d'angle mort d'un camion. Mais dans l'hypothèse où ils l'ignorent, permettez-moi de douter de l'efficacité du port d'un casque lorsque l'on passe sous les roues d'un 38 tonnes... Et d'autre part, est-il normal de voir circuler en milieu urbain des véhicules de ce gabarit ? On peut se poser la question.

Le tout-sécuritaire n'est pas la bonne réponse

Vouloir obliger les usagers cyclistes à porter un casque, c'est admettre que les usagers motorisés peuvent continuer à rouler comme bon leur semble, au mépris des cyclistes et des piétons. Or, le problème se situe bien ici.

"Le casque renvoi l'image d'un mode de déplacement dangereux" Avant d'être un problème d'équipement sécuritaire, il demeure un problème comportemental généralisé chez les automobilistes et les deux-roues motorisés. Inattention au volant, vitesse excessive, non-respect des infrastructures cyclables sont parmi les principales causes d'accidentologie vélo. Obliger les cyclistes au port d'un casque, c'est légitimer ces comportements dangereux.

Le casque renvoi l'image d'un mode de déplacement dangereux, tout comme la moto et le scooter (qui ont des taux d'accident bien plus haut) alors que la vitesse moyenne d'un cycliste est largement inférieure. Une étude britannique a d'ailleurs démontré que le port d'un casque chez le cycliste rendait plus à même l'automobiliste à le mettre en danger. 

Pour une amélioration de la prise en compte des cyclistes en ville, la solution s'oriente sur trois axes  : une meilleure prévention, un minimum de répression et de meilleures infrastructures.

Meilleure prévention auprès des usagers motorisés pour leur faire comprendre la grande fragilité d'un cycliste en milieu urbain et qu'un minimum de respect et de courtoisie aiderait grandement à les mettre en sécurité. "Une culture de la courtoisie est à développer sur la route entre automobilistes et cyclistes." indique Charles Maguin, président de l'association Paris en Selle. L'asso propose d'ailleurs que l'usage du vélo devrait non seulement être enseigné dès l'école, mais également proposer des heures de vélo aux futurs candidats du permis voiture.

La répression est également nécessaire car il demeure trop d'impunité, non seulement face à la vitesse excessive, mais également face au non-respect des infrastructures cyclables. Le récent changement de catégorie de l'amende pour stationnement dangereux sur piste cyclable (135€ désormais) n'a pas fait évoluer la situation, tout simplement parce que les forces de l'ordre ne verbalisent pas.

Quand au réseau cyclable, il est évident qu'il doit être efficace pour permettre à tout-un-chacun de pouvoir l'utiliser en toute sécurité. Aux Etats-Unis, les responsables du transport de Seattle, Mike Anderson et Mike Zipf, parlent d'une approche Triple A pour "All Ages and Abilities" (tout âges et capacités).

L'idée est de développer des pistes cyclables qui puissent être utilisées autant par des cyclistes aguerris que par des enfants et des seniors. Quand on voit en France de vagues vélos peints sur le bitume de rues étroites pour figurer une bande cyclable, on en est encore très loin.

Le port du casque est une réponse trop facile à un problème qui n'existerait pas si l'on se préoccupait des vraies causes de l'insécurité des cyclistes, à savoir le comportement routier des voitures, camions, motos et autres scooters. Ensuite l'on pourra s'occuper des ces "vilains cyclistes" qui grillent les feux rouges et roulent sur les trottoirs...

Certains hauts-fonctionnaires feraient bien de venir le constater par eux-mêmes en se déplaçant à vélo, sinon à quoi servent-ils ? N'est-ce pas Clemenceau qui disait : "Les fonctionnaires sont un peu comme les livres d'une bibliothèque : ce sont les plus haut placés qui servent le moins."...

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