De l'utilité d'en finir avec la voiture particulière dans les centres-villes
De l'utilité d'en finir avec la voiture particulière dans les centres-villes

De l’utilité d’en finir avec la voiture particulière dans les centres-villes

Un rééquilibrage des mobilités nécessaire et urgent

Article publié le mardi 25 février 2020 à 13h16 et mis à jour à 17h13.

Ce n'est plus une tendance sympathique, c'est un fait avéré: le vélo s'est subtilement glissé dans nos villes (et nos vies), petit à petit, jusqu'à en devenir un véritable sujet de société. La preuve, il fait partie des sujets les plus discutés de ces municipales 2020 (lire notre dossier spécial vélo aux municipales).

Mais lorsque le débat s'oriente sur les mobilités actives, un autre vient cristalliser les tensions: celui de la place de l'automobile. Soyons clair, l'idée selon laquelle nous pourrions réussir à faire cohabiter tous les modes de transports est une utopie. Le partage de la "Route plus sûre", concept cher à la Sécurité Routière, est un mirage, celui de la non-opposition des modes, une illusion.

⬆️ Non, en tant que piéton ou cycliste, nous n'avons pas à remercier un automobiliste qui respecte le code de la route.

Je précise que cet article était déjà terminé de rédiger avant le tragique accident qui a coûté la vie à un petit garçon d'à peine trois ans à Roissy-en-Brie, écrasé par un automobiliste en 4x4 stationné illégalement sur un trottoir.

Ce terrible fait divers fait écho au mouvement néerlandais des années 70, "Stop de Kindermoord", qui fut à l'origine d'une politique ambitieuse de mobilité alternative à la voiture, dont nous connaissons les résultats aujourd'hui.

Un besoin de rééquilibrage

Rennes - Sur cette photo, 10 automobilistes, occupant à eux-seuls ~500m² d'espace public

"l'automobile est une dévoreuse d'espace"

Inutile de revenir sur toutes les externalités négatives que génère la voiture particulière - Celles-ci sont plutôt bien résumées dans notre article "Je suis cycliste quotidien, et vous devriez me remercier". Mais si l'on met de côté son problème le plus grave d'un point de vue sanitaire, à savoir la pollution atmosphérique, l'automobile est également une dévoreuse d'espace.

L'automobiliste a souvent l'arrogance de croire que l'espace public lui est dû. Qu'en achetant sa voiture, il a aussi payé son droit à utiliser l'espace public comme bon lui semble. Or, sur cette question de l'espace public, l'automobile - et les deux roues motorisés avec - prennent une place folle.

Je ne suis pas engagé politiquement, et encore moins parisien, mais il faut avouer que l'annonce de la maire de Paris Anne Hidalgo de supprimer 60.000 places de stationnement annonce un juste rééquilibrage des choses.

Rien que dans la capitale, la moitié de son espace public est dévolue à l'automobile, alors que celle-ci ne représente que 13% des modes de déplacements.

Le degré de congestion automobile est différent selon la densité des villes, mais il est évident qu'elle est devenue un problème dans tous les centres urbains français.

Un phénomène purement français ?

Vous allez me dire, encore un article parisiano-centré. Mais est-ce un problème purement parisien ? Je crains malheureusement que non. Le problème est commun à toutes les petites, moyennes et grands agglomérations françaises.

"nos pays voisins ont eux aussi pris la mesure de cet appétit vorace qu'à l'automobile"

Est-ce alors un problème purement franco-français ? Là encore, nos pays voisins, proches ou lointains, ont eux aussi depuis longtemps pris la mesure de cet appétit vorace qu'à l'automobile sur les aires urbaines.

Birmingham

Le quotidien The Independent nous apprend par exemple que la ville de Birmingham (1M d'habitants) entend rendre son centre-ville 100% "car free" d'ici 2023. Et ce n'est pas "by order of the Peaky Blinders" (sorry) mais sur une proposition du conseil de la ville, s'appuyant sur l'explosion démographique à laquelle elle fait face: "Les experts prévoient 1,2 million de trajets supplémentaires en voiture par jour d'ici 2031 dans la ville si rien de nouveau n'est fait."

En Norvège, la capitale Oslo a elle-aussi entrepris un rééquilibrage de ses modes de transport, en commençant par la suppression de plusieurs milliers de places de stationnement automobile, pour les remplacer par des pistes cyclables, des aires de jeux pour enfants et des espaces verts.

Oslo possède un réseau de transports en commun très efficace

En automne dernier, un comptage a relevé une augmentation de 10% des déplacements piétons dans le centre. Un accroissement de la fréquentation qui s'est évidemment ressenti jusque dans les commerces locaux. "No parking, no business" vous disiez ?

En 2019, Oslo a (presque) atteint sa "vision zéro": aucun cycliste ou piéton n'est mort dans les rues de la ville. Un seul accident à déplorer, un automobiliste qui s'est encastré seul dans une clôture. La même année à Paris, 34 personnes (piétons, cyclistes, automobilistes, deux-roues motorisés) perdaient la vie.

San Francisco, Market Street

De l'autre côté de l'Atlantique, ce n'est pas un centre-ville complet mais tout du moins une artère extrêmement célèbre qui vient de passer "sans voitures". Une partie de Market Street, l'une des avenues les plus réputées de San Francisco et véritable colonne vertébrale de la ville, vient d'être définitivement interdite aux véhicules particuliers.

"Le rééquilibrage des mobilités est nécessaire et urgent"

Ainsi, Birmingham, Oslo, San Francisco, mais aussi Madrid, New York, Helsinki, México, Bruxelles, Milán, Bogotá… Toutes ces villes ont elles aussi pris des décisions pour diminuer le transport particulier à moteur thermique au coeur de leur centre-ville, temporairement (journée sans voitures, ciclovia...) ou définitivement.

Nantes

Encore une fois, il ne s'agit nullement d'une guerre anti-voiture, simplement de repenser les surfaces urbaines en remettant l'humain au centre, piétons et PMR en priorité.

Bien sûr, la voiture va continuer encore à nous rendre service sur les longues distances. Mais, parce qu'elle prend trop de place et parce que son impact environnemental et sanitaire est néfaste pour tous, elle n'a tout simplement plus sa place à l'intérieur des centres urbains denses. Le rééquilibrage des mobilités est nécessaire et urgent.

Notre ministre de l'économie, monsieur Bruno Le Maire, reste persuadé que - selon son éducation politique de l'ère Pompidou - "la voiture, c'est la liberté". Une déconnexion totale de la réalité parfaitement illustrée par les récents propos de madame Rachida Dati, candidate à la mairie de Paris, qui semble t-il, ne souhaite pas voir d'enfants se déplacer à vélo dans sa ville.

Est-ce vraiment de cette ville-là que nous voulons? Les exemples de ville qui ont sauté le pas sont pourtant nombreux. En se débarrassant du déplacement personnel motorisé (surtout celui à moteur thermique), on rend la mobilité inclusive et par là même, les centres-villes beaucoup plus attractifs. Nous nous y déplaceront plus sainement, plus sereinement, plus rapidement et, cerise sur le gâteau, nos enfants et grands-parents aussi.

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