[Portrait] Étienne Jolivalt, futur mécanicien vélo comme les autres
[Portrait] Étienne Jolivalt, futur mécanicien vélo comme les autres

[Portrait] Étienne Jolivalt, futur mécanicien vélo comme les autres

De l'inclusivité à l'atelier vélo

Article publié le jeudi 03 décembre 2020 à 09h18 et mis à jour à 11h15.

Je dis souvent que le vélo est une rencontre. Le vélo rentre dans nos vies quand nous sommes prêts et attentifs. Qu'il faut savoir s'ouvrir pour ne pas rater cette rencontre qui pourrait changer notre vie. Dans ce billet, nous allons vous parler de rencontres.

Un salon, des rencontres

le salon Vélo In Paris

Pendant le salon Vélo In Paris en mars 2020, nous avons eu le loisir de rencontrer quelques jolies marques, Cavale, 1886, Ili Cycles, Douze Cycles pour n'en citer que quelques unes. Au-delà des marques, nous avons eu aussi le plaisir de rencontrer en vrai quelques lecteurs et lectrices de Weelz! (ils sont super beaux et hyper sympas) et évidemment de discuter avec beaucoup de représentants de marques qui nous sollicitent pour effectuer des tests produits par exemple.

https://twitter.com/WeelzFr/status/1235881041660907520

Il y a un fil rouge, une constante avec l'ensemble de ces marques ou interlocuteurs, une passion pour la chose vélo. Un intérêt à se rencontrer et partager nos visions parfois autour d'une bière ou deux. Et puis, un salon est aussi l'occasion d'autres rencontres, parfois insolites, toujours enrichissantes.

Au rayon de l'insolite (et enrichissant) nous nous souvenons de ce moniteur de moto école qui nous expliquait que depuis 4 ans, il faisait l'ensemble de ses déplacements au quotidien à vélo et qu'il ne comprenait pas bien pourquoi il y avait toujours autant de candidat.e.s pour tenter de passer le permis moto. Evidemment, il ne se plaignait pas d'avoir encore une clientèle mais il s'étonnait de cet engouement qui ne se dément pas pour la moto. Il nous confiait avoir souvent envie de suggérer à ses élèves d'essayer un vélo à assistance électrique, avant d'engager des frais pour le permis moto (et bien sûr la moto ensuite).

Une leçon

Clac, c'est bon !

Au rayon du surprenant et enrichissant, nous avons Etienne, qui vient se poster devant notre stand. Visage couvert par de grosses lunettes fumées. Etienne est accompagné par Jennifer et un Golden Retriever (le Golden Retriever est une marque de chien pour ceux qui ne savent pas). Etienne se poste devant nous et la discussion démarre, rapidement il nous annonce, je cite "quel plaisir de voir d'aussi beaux vélos sur ce salon"... Avec Xavier nous sommes un peu interloqués, nous avons bien senti qu'Etienne souffre de cécité mais son vocabulaire n'est pas en accord avec ce handicap.

La discussion continue, Etienne nous confirme qu'effectivement il ne voit plus rien, si ce n'est des halos de lumières, qu'il a besoin de son chien guide d'aveugle au quotidien. Il nous confirme aussi qu'il pédale régulièrement, qu'il pratique l'escalade, qu'il skie. Il nous montre qu'il a une vie comme la notre. Qu'il a simplement appris à s'adapter à sa vue qui a progressivement diminué depuis qu'il a 11 ans (il a aujourd'hui 44 ans). Il nous apprend aussi qu'il répare des vélos ! La bonne blague.

"Etienne est aussi efficace qu'un mécanicien qui n'a pas de problème de vue ; ses gestes sont précis."

Jennifer, nous confirme, que oui, en tant que responsable de l'association Metz à vélo, elle fait régulièrement travailler Etienne pour intervenir dans l'atelier. Elle nous confirme également : "Etienne est aussi efficace qu'un mécanicien qui n'a pas de problème de vue ; ses gestes sont précis." Metz à vélo est un atelier d'auto-réparation, membre du réseau de l'Heureux Cyclage. Les adhérents viennent avec leur bicloune et sont accompagnés par des bénévoles, eux-mêmes encadrés par un mécanicien. Jennifer ajoute: "C'est même parfois troublant, les adhérents ne se rendent pas forcément compte immédiatement qu'Etienne est non-voyant, seulement quand il leur demande de vérifier le sens de la flèche sur le pneu qu'il va monter, ils comprennent".

Dévoiler une roue, à l'oreille !

Etre mécanicien vélo et porter un handicap, c'est possible

On vient de vous spoiler avec ce titre ci-dessus, parce qu'Etienne est en cours de formation pour obtenir son CQP (Certificat Qualification Professionnelle) de mécanicien vélo. Depuis août 2019 il est en formation au centre de formation Association Valentin Haüy, à Paris. Toutes les semaines (hors confinement, hors vacances) il vient de Metz à Paris, avec son chien, du dimanche soir au vendredi soir pour suivre sa formation, validée par l'INCM (Institut National Cycles & Motos).

En travaillant bénévolement au sein de l'association Metz à vélo, Etienne ne fait que mettre en pratique ce qu'il apprend au quotidien. Au-delà, il valide ses acquis et donc sa formation pour à la fin du cursus pouvoir prétendre à un diplôme de CQP mécanicien vélo et pouvoir travailler dans n'importe quelle structure.

Prendre le temps

La formation proposée au sein de l'association est plus longue qu'une formation pour personnes valides, il y a cependant le même niveau d'exigence. Réparer un vélo est une sacrée responsabilité. Le vélo rendu à son propriétaire doit être irréprochable. Evidemment, travailler avec une personne comme Etienne demande quelques aménagements. Jennifer et Régis (son formateur) nous le confirment. "Quand un non-voyant travaille dans un atelier, il faut de la rigueur autour. Par exemple, remettre systématiquement les outils à, exactement, la même place. Il faut aussi accepter de faire moins de bruit. Les personnes non-voyantes développent leurs sens restants". Au bruit, Etienne est capable de savoir si le dérailleur est bien réglé, si la roue est correctement dévoilée. "Il faut aussi garder un atelier et un magasin rangé. Quand au fil de la journée les cartons s'accumulent au milieu du passage, ce sont autant d'obstacles qu'Etienne ne peut voir, aussi le chien guide n'est pas toujours à ses côtés pour le guider dans l'atelier".

Faire une confiance aveugle. L'expression vient de là ?

Au sein de la promotion actuelle, l'objectif est bien que les 8 élèves soient diplômés en juin 2021. La situation sanitaire pourrait retarder les échéances. Ca n'empêche pas Etienne d'avoir ce rêve: d'être diplômé puis embauché dans un magasin indépendant avec un mécanicien à ses côtés pour continuer à progresser. Avoir un peu de temps par ailleurs pour continuer à rouler en VTT en tandem, continuer à pratiquer l'escalade et surtout continuer à donner du temps en tant que bénévole dans son association d'escalade et des ateliers vélos associatifs, "pour rendre aux associations ce qu'elles m'ont apportées".

Puisqu'Etienne n'hésite pas à annoncer qu'il aime voir des beaux vélos (il a un faible pour Cyfac et Alex Singer), nous osons vous inviter à considérer, les yeux fermés, l'embauche de mécaniciens vélos au profil d'Etienne.

Nous essayons d'aller passer une journée d'immersion au centre de formation, si les conditions sanitaires le permettent, pour voir comment les programmes sont organisés et rencontrer encore plus de personnes. En attendant, il était au micro de Rayons libres, lundi 30 novembre 2020, écoutez son interview, c'est inspirant.

Le vélo une machine à rencontres, nous vous le disons depuis le début.

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