Le vélo comme anti-dépresseur ?
Le vélo comme anti-dépresseur ?

Le vélo comme anti-dépresseur ?

Le vélo une médecine douce pour nos sociétés en souffrance

Article publié le vendredi 22 mars 2019 à 16h12 et mis à jour le lundi 27 décembre 2021 à 16h41.

Les amoureux de la petite reine aiment à dire que le vélo - le cyclisme est le sport - est l'activité qui génère le plus de romans, de sujets littéraires, d’œuvre d’art.

Je suis un amoureux de la petite reine et pourtant je pense que le surf ou le skateboard ont su créer une culture bien au-delà de ce que le cyclisme est capable d’offrir.

Lisez "La Patrouille de l’Aube" de Don Winslow et vous vous ferez votre propre idée sur la culture du Surf et son imaginaire qui s’infiltre dans nos vies et les étals de nos libraires.

Bien sûr de la littérature sur le vélo il y en a pléthore, je ne vais pas me risquer à vous faire une liste des 20 livres que j’ai lu ces derniers mois avec le vélo au centre du sujet.

Et oui, je n’ai pas envie de paraître comme le singe savant (que je ne suis absolument pas) je lis avidement la littérature autour du vélo comme si j’essayais de combler un manque, de m’acheter à moindre frais et rapidement une culture vélo. J’ai déjà évoqué ce sujet à plusieurs reprises ici et par exemple.

Parfois je lis des livres qui n’ont rien à voir avec le vélo ou le cyclisme mais, on ne se refait pas, toute évocation du vélo, de la bicyclette m’interpelle.

Avez-vous lu "Sérotonine" ? écrit par un certain Michel Houellebecq. Oui? non? Sachez que son héros, Florent-Claude Labrouste, déteste les cyclistes parisiens, il déteste aussi les hollandais, je le cite à propos des hollandais « vraiment des putes ». Il a, à peu près, le même jugement sur les « bobos écoresponsables parisiens ».

"Florent-Claude Labrouste déteste les cyclistes parisiens"

Cause ou conséquence de ces détestations, Florent-Claude est méga dépressif. Dépressif au point de se tirer une balle, au point d’envisager de sauter du haut de sa tour du côté de Beaugrenelle, au point d’envisager de s’endormir au volant de son beau et gros Mercedes G.

Toujours est-il que le vélo n’est absolument pas le sujet de son roman, mais, pour la force de la narration, pour lancer des piques houellebecquiennes le vélo apparaît incidemment dans le roman.

C’est mon premier Houellebecq, probablement pas le dernier. Je vous le recommande, que vous soyez dépressifs ou hollandais, ou aucun des deux.

Autre roman à succès, autre événement littéraire, prix Goncourt 2018 au passage, "Leurs enfants après eux" de Nicolas Mathieu. Un portrait de la jeunesse que les quadras d’aujourd’hui furent. Le roman s’achève sur la victoire Bleu Blanc Beur de l’équipe d’Aimée Jacquet face au Brésil.

"Encore une fois ce vélo est un outil de liberté, d’évasion, de décompression"

Nous nous souvenons tous à quoi ressemblait notre vie à cette époque. Celles des héros de Monsieur Mathieu ne sont pas très reluisantes. Ils sont pourtant attachants et les portraits proposés au fil de ce roman sont d’une justesse effrayante. Ici aussi, le vélo n’est pas au centre de la narration, mais encore une fois ce vélo est un outil de liberté, d’évasion, de décompression, pour preuve :

Anthony, quand il est frustré «quand les copains le vannaient, il prenait la mouche, répliquait avec ses poings. Sans cesse il avait envie de cogner, de se faire mal, de foncer dans les murs. Alors il partait faire du vélo avec son walkman sur les oreilles, en se repassant vingt fois la même chanson triste». Le vélo en quelque sorte comme un remède d’adolescent contre le mal-être et la violence.

Son père Patrick également, quand sa vie part à vau-l’eau, se tourne vers le vélo comme un remède, ou plutôt un pansement sur ces blessures «Il ruminait surtout l’immense gâchis, sa jeunesse dans le caniveau. Finalement, il s’était acheté un vélo. Son premier pas vers du mieux. C’était chiant […] mais au moins il partait se balader[…]. Cet ennui était son délice.»

Encore une fois, quand la vie ne va pas si bien, quand les emmerdes s’accumulent, le vélo est, telle la bouée de sauvetage, la bouffée d’air qui permet de prendre du temps pour soi et de se vider la tête.

Une voiture pour quoi ? un job pour quoi ? Plus tard, Anthony, toujours, prend conscience, comme une résonance des manifestations actuelles, alors qu’il a trouvé un petit boulot pour subsister «Le problème, c’est que c’était pas la porte à côté, toute la paye passait en carburant ou quasiment».

Et oui, quand tu fais 100 km pour aller au boulot pour un salaire de misère «4,000 balles par mois» c’est forcément «crevant et ça vous tapait sur le ciboulot».

On pourrait pousser la démonstration en parlant du Grand Bain, ce film qui est sorti fin 2018. Le père dépressif qui se rend à Pôle emploi, aux cours de natation, sur son vieux (et beau) vélo en acier.

Quand le beauf de ce dernier, patron d’une boutique d’ameublement mais aussi homophobe et raciste, roule lui en SUV BMW ? La présence du vélo est anecdotique, elle sert néanmoins l’histoire et les personnages. Le champion du Monde de natation synchronisée n’est pas celui qui a le véhicule le plus cher et le plus socialement en-vue.

Le vélo est partie intégrante de notre société

Que vous le notiez ou non, le vélo est partie intégrante de notre société. La mobilité est le quotidien de millions de Français. Certains la subissent parce qu’ils n’ont pas le choix, d’autres la subissent parce qu’ils pensent qu’ils n’ont pas le choix.

D'autres se créent leur propre chance et choisissent de se déplacer à vélo, pour être acteur de leur mobilité, pour évacuer la pression.

Les auteurs à succès, ou le succès de ces auteurs, est certainement dû à leur capacité à sentir les évolutions de la société, à comprendre les enjeux de leurs contemporains.

Le vélo est universel, nous avons tous (ou presque) des souvenirs d'enfance sur notre vélo. Tous nous nous souvenons de ces prémices de liberté qu'offrent ce moyen de locomotion.

C'est ce qu'évoque Nicolas Mathieu à propos de ses adolescents. De son côté, Michel Houellebecq tape sur ce qui est politiquement correct. Le vélo a le vent en poupe auprès des médias et de la classe politique, comme un remède à tous nos maux. Son héros dénigre le vélo (entre autres choses, il fustige aussi les politiques anti-tabac, les homosexuels, ferme les yeux avec condescendance sur la pédophilie, remet en cause la sur-consommation).

Ce faisant les combats de l'auteur sont très contemporains et absolument en phase avec notre quotidien.

A propos de quotidien, les études fleurissent, indiquant que plus de 60% des travailleurs français utilisent leur voiture pour aller travailler, parce que selon eux «Ils n’ont pas le choix».

Combien de ces français pourraient faire le choix de se déplacer autrement ? A vélo par exemple? Ne serait-ce que 5%, pensez au nombre de voitures en moins sur les trajets aux heures de pointes!

Chacun devrait se poser véritablement la question de son mode de transport au quotidien. Certains ne peuvent absolument pas éviter la voiture. D'autres, beaucoup, pourraient s’en passer.

D'après l’INSEE (chiffres de 2015), 58% des actifs ont recours à la voiture pour des trajets de moins de 1 kilomètre! 60 à 75% pour des trajets de quelques kilomètres (quelques ici étant pour sur moins de 10 kilomètres).

Combien dans ces 60 à 75% d’automobilistes ont un trajet de moins de 5 kilomètres? Combien pourraient facilement, aisément, assurément enfourcher un vélo?

Je vous invite à lire les deux livres mentionnés dans ce billet. Au-delà de leurs qualités littéraires, ils sont passionnants par leur acuité pour décrire la société dans laquelle nous vivons.

Le vélo serait-il un anti-dépresseur plus puissant que le Captorix ?

Le vélo serait aussi un catalyseur de violence et de mal-être?

D'ailleurs si l'on parle de mobilité douce à propos de vélo, ce n'est probablement pas pour rien. Le vélo une médecine douce pour nos sociétés en souffrance.

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