Et si vous pédaliez sur un vélo (vraiment) “Made in France”?
Et si vous pédaliez sur un vélo (vraiment) “Made in France”?

Et si vous pédaliez sur un vélo (vraiment) “Made in France”?

Article publié le mardi 07 février 2023 à 05h00 et mis à jour le mercredi 15 février 2023 à 16h28.

Nos vélos arborent souvent la mention "Assemblé en France". Mais alors c'est quoi un vélo Made in France ? Peu de vélos sont (vraiment) fabriqués en France. Cadres, transmissions, périphériques ou équipement viennent souvent d’Asie et parfois d'Europe. Pourtant, à force de relocalisations, de plus en plus de marques vous permettent de pédaler sur un vélo – presque – “Fabriqué en France”.

Vélo & Made in France - "le savoir-faire cycle de la France est bien réel"

Un vélo (vraiment) Made in France, un assemblage de pièces

En France, l’histoire de la fabrication de cycles a toujours été particulièrement riche. La fabrication de vélos et d’accessoires pour le cycle fait partie intégrante du patrimoine tricolore. Les marques hexagonales historiques ne manquent pas. De Mavic à Cyfac, en passant par Alex Singer, Dilecta, Huret, Idéale, Lapierre, Look, Simplex, Spécialités TA, Stronglight ou Time (pour ne citer que celles-ci), le savoir-faire cycle de la France est bien réel.

Certes, avec le rachat, la délocalisation ou la disparition, de certaines marques, une partie du savoir-faire est durablement perdu. En France, à de rares exceptions près, on ne trouve plus de transmission, ni de fourches carbone ou suspendues. Toutefois, d’autres marques, telles que Douze Cycles, Khelys, Kiffy, Pechtregon, Ultima ou Victoire (et Distance), ont pris le relais. D’autres encore perpétuent cette longue tradition de création et de cycle. Mais est-ce encore possible de pédaler sur un vélo (vraiment) “Made in France” ?

Un grand assemblage de pièces

Sans entrer dans des considérations techniques, un vélo, prêt à pédaler est un grand assemblage de pièces diverses, autour d’un cadre et d’une fourche. Il y a les périphériques indispensables que sont les roues, les pneus, la transmission, la tige de selle, la selle, le cintre, la potence… Il y a les accessoires tels que les garde-boues, les porte-bagages, les portes-bidons, les protections… Et tout ne peut, hélas, pas être fabriqué en France.

Le “Fabriqué en France” ou “Made in France” est un marquage d’origine que les entreprises peuvent indiquer sur leurs marchandises. C'est un marquage qui permet de mettre en avant la fabrication nationale. La mention “Made in France” ne signifie pas que toutes les étapes de fabrication d'un produit ont été réalisées en France, mais qu'au moins une partie significative de la fabrication du produit l'a été. La Direction Générale des Entreprises (DGE) précise que pour être porteur de la mention “Fabriqué en France”, un produit manufacturé doit : tirer une part significative de sa valeur, d’une ou plusieurs étape(s) de fabrication localisée(s) en France et avoir subi sa dernière transformation substantielle en France (Source : Service des Douanes).

Le Made in France et ses labels

D’autres appellations, moins exigeantes que le “Made in France”, peuvent porter à confusion et laisser penser que le vélo sur lequel vous vous apprêtez à rouler est fabriqué en France. Citons, par exemple, les mentions “Assemblé en France” ou “Origine France Garantie”

Pour obtenir ce label “Origine France Garantie”, le produit fabriqué doit respecter les deux critères suivants : le lieu où le produit prend ses caractéristiques essentielles est situé en France ; 50% au moins du prix de revient unitaire est acquis en France. Les critères du label Origine France Garantie sont indépendants de la notion de l’origine des marchandises utilisée par les services douaniers pour calculer les droits de douane.

Le plus souvent, les cadres, conçus en France, sont donc produits hors de l’Hexagone. Les marques assurent ensuite le montage avec des pièces venues d’Asie (auprès de spécialistes tels que Shimano) ou d’Italie (Campagnolo ou Selle Royale, par exemple). Parfois, elles viennent d’Allemagne (moteurs pour VAE) ou du Portugal.

Des roues de vélo Asterion et des boyaux FMB, les deux sont Made in France
Des roues de vélo Asterion et des boyaux FMB, les deux sont Made in France

Le cadre est de plus en plus fabriqué en France

Pour des raisons de coûts et d’éthique, depuis la crise COVID, les artisans du cycle et plus globalement, les petites marques industrielles ou semi-industrielles ont tendance à relocaliser. La production en France se voit consolidée en local. Au final, les vélos sont de plus en plus “Made in France”. Cela commence par le cadre.

« Le kit-cadre (NDLR : le cadre, la fourche, le boîtier de pédalier et le jeu de direction) représente environ 50 % de la valeur d’un vélo. Chez Meral, c’est plutôt 40 %... » explique Aymeric Lebrun, le gérant de CYFAC International. L’entreprise tourangelle fabrique des cadres sur-mesure et des vélos spéciaux (CYFAC) ainsi que des petites séries standards (Meral).

« 80 % du prix de revient d’un kit cadre, c’est la main d’œuvre. Et lorsque l’on parle d’un vélo tout monté, il y a 45 % de valeur ajoutée dans la seule opération de montage. Là on parle de cadres fabriqués avec des tubes provenant d’Italie ou d’Asie. Avec le Paradox, notre nouveau modèle Premium, même les tubes sont fabriqués en France (à Garchizy, dans la Nièvre, à L’Atelier du Composite). Du coup, seule la fourche n’est pas “Made in France”, ce qui ne représente que 10 % de la valeur totale du cadre. »

Chez Victoire (cadres sur-mesure, personnalisables) et Distance (cadres prêt-à-rouler à la géométrie pré-établie), à Beaumont, tout près de Clermont-Ferrand, la philosophie est identique. « Tous les cadres sont conçus, usinés, soudo-brasés, peints et assemblés dans nos ateliers » précise Florent Roque (Chargé de Clientèle).

Une marque telle que Kiffy, qui propose des vélos longtail, dispose de l’appellation “Origine France Contrôlée”. « Les cadres sont réalisés en alu 6056 » précise Vincent Mazet. « Les tubes viennent de chez Cintramétaux (NDLR : À Saint-Didier-sur-Chalaronne, dans l’Ain). Ils sont soudo-brasés dans nos ateliers. »

Le savoir-faire local est priorisé

Le vélo cargo Hêta, de chez Douze Cycles est un bel exemple de cadre “Made in France”

Chez Douze Cycles, la spécialité, depuis la création de l’entreprise en 2012, c’est le vélo cargo (d'abord biporteur puis longtail). Le Projet H (pour Hexagone) et le modèle Hêta, lancé en 2019, marque le début d’une relocalisation de la production.

« Historiquement, nos cadres de cargos biporteurs étaient fabriqués à Taïwan et sourcés d’un peu partout, au niveau des composants. Avec la crise COVID, cette formule devenait de plus en plus compliquée. On s’est alors demandé comment mieux maîtriser notre chaîne de production » explique Arno Liégeon (Directeur Communication chez Douze Cycles, au nord de Beaune).

« De quoi avions-nous besoin pour fabriquer un vélo ? Pour répondre à cette question, on s’est renseigné sur ce que proposait l’industrie locale en termes d’emboutissage, de fonderie d’aluminium ou d’injection plastique et on s’est demandé s’il existait des process intéressants à exploiter pour fabriquer nos cadres » poursuit Arno. « On s’est associé au Groupe SAB (à Belmont-de-la-Loire), qui réutilise, notamment, de vieux carters d’automobiles pour en faire des lingots d’aluminium servant de base à la fabrication d’autre pièces. Ainsi, sur le Hêta, la poutre arrière, la pièce de jonction du cadre avant et du cadre arrière sont fabriquées en fonderie d’aluminium. »

Les profilés d’aluminium, qui permettent de supporter le plateau de chargement du vélo, sont extrudés à Nuits-Saint-Georges, tout comme la colonne de direction. Et les pièces d’aluminium son moulées à Chalon-sur-Saône, chez Protoforme, qui fabrique, notamment, les cadres en carbone des vélos Ultima Multipath.

L’innovation au service du vélo Made in France

Jérôme Mortal, Président et co-fondateur de Ultima Mobility

Ultima Mobility, l’entreprise de Saint-Priest (dans la banlieue de Lyon), a pour objectif d’être le plus éco-responsable possible. Cela passe, inévitablement, par de l’innovation. « Notre cadre Multipath est réalisé en carbone recyclé, venu de BMW i3 ou de pales d’éoliennes. On les attaque chimiquement pour enlever l’époxy, puis on re-mélange avec de la polyamide » explique Jérôme Mortal (Président et co-fondateur). « Mais on cherche des matériaux plus éco-responsables. »

Associée à Caminade, Ultimate agit en maître d’œuvre. « On est concepteur des moules et de notre produit. Cela nous permet de proposer, avec un seul moule, un cadre dont la géométrie convient aux cyclistes de 1,45 m à 1,90 m. » L’injection est réalisée chez Protoforme.

Avec son Multipath, Ultima innove pour généraliser le Made in France, par des partenariats et des innovations poussées. La transmission et l'assistance électrique sont concernées en premier lieu.

Avec cette technicité innovante le cadre est commercialisé au même prix que de nombreuses productions venues d’Asie. Le vélo est pensé dans sa globalité, en collaboration avec des spécialistes le plus tricolore possible. « On fait nos propres fourches rigides, sauf celles des cargos, que l’on achète à Joker » poursuit Jérôme Mortal. « Ce sont des tubes soudo-brasés classiques. La fourche City est fabriquée en carbone injecté, avec inserts alu, tandis que la fourche suspendue est réalisée en carbone, avec fourreaux alu. La suspension est un système sans huile à lame carbone. »

Peu ou pas d’équipements tricolores

Le vélo longtail Kiffy, 85% Made in France
Le vélo longtail Kiffy, 85% Made in France

Kiffy (basé à Saint-Cyprien, à quelques encablures au nord de Saint-Étienne) est l’une des marques françaises spécialisée dans la production de vélos longtail. Elle se targue de proposer des vélos à 85% “Made in France”. « On ne peut pas faire mieux » regrette Vincent Mazet (Directeur des Ventes). « On est notamment limité par les transmissions, qui, en règle générale, viennent d’Asie. » Certes, il y a le système de boîte de vitesse Effigear, mais le produit, peut-être trop spécifique est plutôt réservé au VTT et au gravel haut de gamme…

« Au-delà du cadre, chez nous, tout ce qui est garde-corps, béquille, repose-pied, panier avant ou rehausseur de potence est fabriqué en France, en Région Rhône-Alpes. Pour tout ce qui est roues, garde-boue et pédalier, on travaille également avec des fournisseurs de la Région. Par contre, là, on ne peut pas parler de “Made in France”, mais seulement d’acteurs français » précise Vincent Mazet.

Chez Kiffy, certains accessoires sont fabriqués en France. Les paniers avant, par exemple

"Il s’agit de donner du sens à ce que l’on fait, tout en restant compétitif"

Arno Liégeon adopte la même attitude. « Chez Douze Cycles, les vélos sont équipés avec des composants que l’on essaye de sourcer au plus près de chez nous » explique-t-il. « Par exemple, on utilise des freins Formula, que l’on achète en Italie, plutôt que des Tektro, qui viennent de Taïwan. Mais ce n’est pas un dogme ! Il s’agit de donner du sens à ce que l’on fait, tout en restant compétitif. Et puis, tout dépend du contexte avec les fournisseurs. »

Et comme le souligne Vincent Mazet (Kiffy) « Il y a une réalité économique. Quand on est en concurrence avec des marques qui font de l’assemblage en France, il faut quand même rester compétitifs en termes de prix. Dans ce contexte, il est difficile de tout sourcer en Europe… »

Des partenariats et des collaborations poussées

Il existe pourtant des astuces. Douze Cycles, propose ainsi, deux versions du Hêta. Outre le modèle Douze Cycles distribué dans le réseau de la marque bourguignonne, avec un cadre gris, une version à cadre rouge, dont le nom n’est pas encore défini, sera distribuée dès septembre 2023, dans le réseau Toyota (250 concessions). « Cette seconde version sera dotée d’un moteur à assistance électrique Yamaha, produit en France ! » explique Arno Liégeon.

Chez Ultima, partenariats et collaborations, avec des spécialistes français sont devenues la règle. « Le moteur est fabriqué par Valeo à Saint-Quentin-Fallavier, avec des composant à 80% européens » précise Jérôme Mortal. Les shifters de boîte de vitesse sont également Made in France. Plus surprenant, les batteries sont réalisées à Bordeaux, chez Neogy (groupe Startec).

Et puis, il y a les liens avec quelques acteurs historiques tels que Stronglight (Saint-Étienne) ou Nova Ride (Clermont-Ferrand) pour les éléments de transmission, Look (Nevers), pour les pédales, Mavic (Saint-Trivier-sur-Moignans) ou Hutchinson (Châlette-sur-Loing).

A propos de Mavic, Michel Lethenet, responsable RP de la marque au sang jaune (déjà aperçu en haut du col du Grand Colombier) nous confie : "Toutes nos jantes sont fabriquées dans l’Ain à Saint-Trivier-sur-Moignans. Les moyeux sont pour l’instant usinés en Roumanie, comme l’assemblage final des roues chez notre partenaire local. Cet usinage va normalement revenir en France en fin d’année 2023. La nouvelle roue Cosmic Ultimate 45 Disc est, quant à elle, produite en France".


Vous l’aurez compris, pour l’heure, vous ne pouvez toujours pas pédaler sur un vélo (vraiment) Made in France. Mais le process est en marche. La volonté est là. Au-delà des cadres, qui, à tous niveaux de gamme et pour tous types de vélos, sont de plus en plus souvent fabriqués en France, les périphériques reviennent en Europe, à défaut de tous revenir dans l’Hexagone. Il est donc permis de rêver à un vélo vraiment Made in France. On refait le point dans quelques années ?!

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