[Portrait] Dilecta Cycles, ou comment faire renaître une marque vélo française
[Portrait] Dilecta Cycles, ou comment faire renaître une marque vélo française

[Portrait] Dilecta Cycles, ou comment faire renaître une marque vélo française

"Dilecta", la préférée, en latin

Article publié le mercredi 27 janvier 2021 à 10h00 et mis à jour le jeudi 28 janvier 2021 à 09h00.

Le saviez-vous ? Il y a un nombre réjouissant de cadreurs français répartis un peu partout dans l'Hexagone. Des artistes et des artisans qui généralement travaillent l'acier, parfois le titane, de temps en temps le carbone, plus rarement le bois ou le bambou. Rarement ne veut pas dire aucun. L'Hexagone bouillonne !

Dilecta, le forçat - modèle gravel - ne se dévoile pas encore.

Comme une vieille habitude

Hexagone, ça sonne furieusement comme une chanson de Renaud, l'époque pendant laquelle il était bon et inspiré. On vous le glisse là, le morceau. (NDLR: la politique en général, elle nous intéresse surtout quand elle est cyclable. Il n'empêche que ce morceau date de 1975, il semble encore furieusement d'actualité).

Renaud, donc, ne semble pas si fier que cela d'être français. Donnons-lui, ici une bonne raison de changer d'avis, en parlant d'une marque française, qui renait de ses cendres sous l'impulsion d'Eric Van Haverbeke. Avant de vous parler des nouveaux vélos Dilecta, que nous avons vus, touchés, soupesés (que nous devrions bientôt tester), laissez-nous vous parler un peu de la marque et de son nouveau patron, ils sont intimement liés ("intimement liés", reste une expression. Il y a intime et intime. Là on est plus sur de l'intime, pas de l'intime non plus).

Une histoire de rencontres

Fringant on vous dit ! Un petit air de Magnum sans la moustache.

Eric (1), la cinquantaine fringante, a passé sa vie sur un vélo, dans le vélo. Par atavisme familial, mais aussi par passion. 25 ans (la moitié de sa vie donc) qu'il bosse dans l'industrie du bicloune. Son diplôme en poche (DESS Commerce International), il commence sa carrière chez MBK. En 1993, MBK c'est beaucoup de mobylettes et aussi beaucoup de vélos (120,000 vélos produits par an).

A l'époque, le vélo c'est un peu ringard (Eric n'y est pour rien), l'industrie n'est pas moribonde, mais comme le dit si bien la pub, "la mob, c'est le vélo avec le vent dans le dos". Cela n'empêche pas Eric de participer au lancement de l'un des premiers vélos électriques -produit à une échelle industrielle- le Axion City (épaulé par le Axion sport), vélo designé par Starck (2). Philippe Starck était plus inspiré en 1994 sur ce vélo que quelques décennies plus tard quand il a dessiné le vélo municipal de la ville de Bordeaux (le Pibal), 50% vélo, 50% trottinette, 100% pas solide.

Du vélo aux pneus de vélo

1999, Eric est toujours chez MBK, la marque intègre le giron de Yamaha, Eric participe à l'élaboration du moteur PAS (Power Assist System), il intègre une entreprise dans laquelle les axes de développement sont très insistants sur le scooter, la moto. Le vélo ? Ah oui c'est vrai on fait des vélos aussi (3). Avant de s'ennuyer, il file chez Hutchinson, en tant que directeur Marketing et commercial. Il participe au lancement de la technologie Tubeless, nous étions en 2003. Le buzz est au rendez-vous. Même l'Express se fend d'un papier sur le sujet (4), avec le fameux pneu Python. La fabrication des pneumatiques est à Montargis, du made in France, encore, déjà. En tant que directeur commercial, il côtoie, évidemment les fabricants, il signe des contrats de fournisseur en première monte. Il a parmi ses clients et amis, l'entreprise LOOK.

Tel un serpent.

Never say Nevers

Look Cycle, ce fleuron de l'industrie du cycle Français. Une entreprise à la notoriété d'une multinationale (Bernard Tapie est passé par là) au chiffre d'affaire d'une belle boite familiale. Ca fait 7 ou 8 ans qu'Eric œuvre à la destinée d'Hutchinson, il a fait le tour du pneu. Look lui fait de l'œil, il les rejoint en 2009. Il prend la direction Commerciale et marketing de LOOK CYCLE. Il prend aussi la présidence du bureau américain. Il fait le grand écart (Eric est très souple, entres autres qualités) puisqu'il a aussi sous sa coupe le bureau Italien. 10 ans passionnants, selon ses dires, au contact d'experts.

Il vend des vélos audacieux, sportifs, reconnus pour leur excellence dans l'ensemble du milieu (5). Courant 2016, look change de statut. Un fond d'investissement rentre au capital. Eric accompagne la transition pendant 2 ans puis tire sa révérence. Nous passerons presque sous silence son passage d'un an chez Golazo, organisateur d'évènements vélos en Europe (pour faire simple, très simple, Golazo est en Belgique ce que A.S.O. est en France, un organisateur de courses).

La crise de la cinquantaine ?

Chacun●e gère bien sa crise comme il le peut. Il n'y a pas de règle.

On s'en fiche de savoir comment on peut mesurer le succès des uns et des autres à 50 ans. 50 ans c'est un passage dans la vie. Eric a décidé d'en profiter pour se poser et chercher la nouvelle aventure professionnelle. Celle après laquelle il roule depuis des années sans s'en rendre compte. Celle qui va lui faire tourner la tête (et les jambes). Eric a l'envie de lancer sa marque de vélos. Il a les réseaux, les compétences, le savoir-faire, l'énergie. Il lui manque la marque. Il a envie de réveiller une belle-endormie. Eric est comme le Prince de Disney dans la belle au bois-Dormant. Un romantique.

Eric porte très bien la cape rouge. La belle endormie consent-elle à la bise?

Eric ne nous le raconte pas ainsi, mais nous nous sentons l'âme d'un Walt, nous tentons de romancer l'histoire :

Nous l'imaginons entrain de trier les affaires de la maison familiale en Provence. Par une belle journée d'automne, les couleurs sont pures et profondes. L'air est frais. Les bûches crépitent au fond de l'âtre. Eric a du temps pour lui, pour enfin se plonger dans les affaires de son père. Il ne l'a jamais oublié, parti rejoindre les Poulidor et autres Anquetil dans l'au-delà, il y a quelques mois. Jean-Pierre a connu une carrière de coureur professionnel honorable, pas flamboyante comme celle d'Eddy Mercx, mais il a roulé pour (et avec) André Darrigade par exemple. Des caisses avec de vieux papiers rapidement feuilletés sont jetés dans le feu. Un cahier avec la mention "sorties vélo" attire son regard. Il l'ouvre, il découvre la carrière de sportif de son père.

La révélation

Dans ce cahier sont consignées toutes les courses, toutes les sorties effectuées à vélo. Les conditions météo du jour, la distance, le ressenti, le résultat, le podium. Aussi toutes les coupures de la PQR contant ses performances. Souvent, ces articles sont accompagnés de photos, portraits de son père, en tenue de coureur. Il le voit poser sur un beau vélo Dilecta. Et là, le temps se fige, le crépitement du feu se fait oublier, le courant d'air n'est plus, il a sa révélation.

Avant que la loi Evin ne passe par là. Avant que papa ne roule en Dilecta.
Photo source.

"Dilecta sera ma belle endormie"

La société a arrêté de produire en 1968. Albert Chichery avait lancé cette marque en 1913, installée dans la ville Leblanc, il employait jusqu'à 250 personnes. La marque a produit jusqu'à 25.000 vélos par an. Elle a même proposé à son catalogue des vélomoteurs, des motocyclettes. L'envie et l'ambition d'Eric est bien de réussir à respecter les traditions de la marque (Made in France, artisanat, production à la carte). Eric fait appel au savoir-faire de Cyfac, gage de sérieux et de qualité à venir.

LeBlanc, le jaune et le bleu

Cette marque, qui n'a pas traversé le temps comme d'autres de la même époque, garde malgré tout quelques faits d'armes notoires. Les frères Pellissier quand ils abandonnent le tour de France en clamant "Nous ne sommes pas des chiens", roulaient en Dilecta. Le même Tour de France chroniqué par Albert Londres et la création de la célèbre formule "Les forçats de la route". C'était en 1924.

Une affaire de couleurs ? Leblanc, c'est la ville où était installée l'usine, dans l'Indre. Le jaune et le bleu, sont les couleurs du logo initial. Dilecta ("la préférée" en latin) renait de ses cendres avec deux modèles. Leblanc, ici en jaune, qui est le modèle route. Forçat, ici en bleu, qui est le modèle gravel.

Les vélos seront faits à la carte. Comptez environ 2,500€ pour un kit cadre, vous aurez le choix de votre couleur, de votre taille, vous pourrez tout choisir. Tout, ou presque. Eric nous confirme qu'il aimerait à terme intégrer un modèle plus urbain ou plus dans l'esprit du vélo au quotidien. Le catalogue Dilecta des années 50 proposait un catalogue complet (randonneuses, cadres haut, bas, du course, du demi-course, du porteur parisien...).

L'ancienne usine Dilecta à Le Blanc dans l'Indre

En attendant de tester les premiers vélos(6) que l'on voit tourner ici et là, vous pouvez d'ores et déjà voir quelques vélos en suivant le compte Instagram de Dilecta ou encore en fouinant sur Facebook. De notre côté nous avons hâte de tester ce qui semble être le nouveau vélo préféré de Paul Belmondo.

➡️ DilectaCycles.com

(1) Si vous croyez que je vais m'imposer d'écrire le nom de famille d'Eric plus de deux fois, dans ce billet, c'est mal connaître mon léger problème de dyslexie. Donc quand vous lisez Eric dans ce billet vous pouvez traduire mentalement Eric Van Haverbeke, merci.
(2) Starck, inspiré en dessinant l'Axion ? A en croire l'annonce visible ici, la solidité du cadre n'était pas le point fort du bicloune. Déjà !
(3) Voilà le site de Yamaha France. Si vous avez du temps à perdre, vous pouvez chercher où se cachent les mentions sur leur présence dans le marché de la bicyclette.
(4) L'Express parle du tubeless la pression baisse.
(5) Envie de lire ce qu'Eric avait à dire sur la marque Look en 2013 ? c'est là.
(6) Le voile devrait être levé sur les vélos Dilecta en février 2021.

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