Récit Gravel : le col du Grand Colombier par les chemins de traverse
Récit Gravel : le col du Grand Colombier par les chemins de traverse

Récit Gravel : le col du Grand Colombier par les chemins de traverse

Article publié le vendredi 06 août 2021 à 06h32 et mis à jour à 12h40.

Laissez-moi vous raconter comment cinq gus¹ se sont retrouvés au sommet du col du Grand Colombier, juchés sur leurs vélos gravel. Imaginez une ascension presque uniquement par les sentiers, mais avec les mêmes pourcentages de pente que le col coté asphalte. Ça donne une sortie de 42 km pour 1400 mètres de dénivelé, le tout en pleine chaleur de juillet. Ici, c'est l'Ain, qu'ils disent là-bas...

Le Grand Colombier face gravel ; Mets de l'huile

- "Les rails de ma selle grincent , t'as pas du WD-40 ?"
- "Non. Mais attends, bouge-pas, j'ai une autre solution..."

Conversation sur le parking (oui, désolé, nous nous sommes rapprochés en voiture). A ce moment-là, FX ouvre le capot de son authentique Clio 1 Baccara ("Pas assez cher mon fils") pour en extraire sa jauge de niveau d'huile. Il en beurre quelques gouttes sur les rails de ma selle italienne (celle-ci). Quelques kilomètres plus loin, le miracle s'accomplira. Ça fonctionne !

Avant d'attaquer les pentes du Grand Colombier en gravel, ou même d'être penché au-dessus du capot d'une voiture, c'est via WhatsApp qu'avec FX nous avons envisagé de faire une petite grimpette dans la région où il vit depuis 6 ans. FX, c'est François-Xavier Plaçais. Le garçon officie pour la marque Origine Cycles (cf notre article sur le gravel Graxx 2). Entreprise du Nord, basée à Somain (59), mais dont il gère la partie relations presse depuis son fief savoyard au-dessus d'Aix-les-Bains. Ça tombe bien, c'est justement là que j'ai décidé de poser mes valises pour mes congés de juillet.

Du sang jaune

Quelques semaines plus tard, rencontre, en réel cette-fois, au festival gravel Nature is Bike. Sur le stand jaune Mavic, FX et moi on se checke du poing et on discute avec un autre larron, Maxime Brunand (OK, on a aussi roulé ensemble et bu quelques bières). Depuis plus de 20 ans, Maxime est l'ingénieur produit en chef de la firme annécienne. En discutant, on se rend compte que nos congés correspondent. Après avoir emmené son fiston en weekend van/VTT/pêche, il serait tenté de nous rejoindre pour cette petite virée dans l'Ain. Après tout, le col du Grand Colombier est à équidistance d'Annecy ou d'Aix-les-Bains.

Le Grand Colombier, un col mythique (et une sacrée punition)

Le Grand Colombier ? Je crois que c'est par là.

Situé tout au sud des Montagnes du Jura, le col du Grand Colombier est réputé pour être une sacré punition. C'est un col mythique pour beaucoup de cyclistes. Il culmine à 1501 mètres d'altitude très exactement (le mont du Grand Colombier est à 1531m, le point culminant du Bugey). De là-haut, on s'offre une vue à 360°, sur la chaîne des Alpes, les massifs de Belledonne et du Jura, le Bugey, le Rhône et les deux lacs alpins d’Annecy et du Bourget. Par temps bien dégagé, on peut même apercevoir la pointe du Mont Blanc et le lac Léman.

Avec son profil affichant certaines pentes à plus de 12% (7% en moyenne), ce col est considéré comme l'un des plus difficiles de France. Il est régulièrement au menu du peloton du Tour. Le monument se monte depuis différents endroits : Culoz, Anglefort, Lochieu ou encore Artemare (profil ci-dessus). Tout comme il y a la confrérie des Cinglés du Ventoux, il existe celle des Fêlés du Grand Colombier. Pour en faire partie, il "suffit" de partir à l'assaut du col plusieurs fois, par différents versants, dans la même journée.

D'où que vous partiez, ces ascensions vélo sont uniquement asphaltées. Enfin, c'était sans compter sur Arnaud, quatrième lascar de notre micro-périple. Ami de FX, Arnaud est coach sportif et ne s'est mis au vélo qu'assez récemment. D'abord par la route, puis maintenant le VTT et bien sûr le gravel. L'homme aime explorer les recoins de sa région pour en découvrir les sentes inconnues. C'est lui qui a défriché cette trace pour atteindre le sommet du Grand Colombier presque exclusivement par les chemins de traverse.

De la Haute-Savoie à l'Ain

De gauche à droite : Michel, FX, Arnaud et Maxime (moi je suis derrière et je reprends mon souffle)

Retour sur notre parking. Nous nous retrouvons tous à Seyssel. Figurez-vous que c'est l'une des rares communes rurale de France à être située à cheval entre deux départements. La partie ouest est dans l'Ain, l'autre partie est en Haute-Savoie. Le tout est séparé par le Rhône. Les deux communes homonymes ont donc deux maires, deux préfectures et (ouf) une seule intercommunalité... Je vous laisse tout de même imaginer les complexités administratives. Je ne voudrais pas être le facteur.

La veille, Maxime nous dévoile une petite surprise : il ne viendra pas seul. Il arrive accompagné de Michel Lethenet. Comme Maxime, Michel fait partie des meubles de la maison Mavic (récemment rachetée par le groupe Bourrelier, cf notre article). Il s'occupe de la communication et des relations presse de la marque au sang jaune depuis plus de 20 ans. Voilà, nous sommes au complet. Ne reste plus qu'à pédaler...

L'été s'ra chaud (ou pas)

"Profitez bien des deux premiers kilomètres tranquilles sur le bitume, parce qu'après ça va se corser…"

"Profitez bien des deux premiers kilomètres tranquilles sur le bitume, parce qu'après ça va se corser..." nous lance Arnaud. OK, le ton est donné. Moi, l'angevin des plaines que je suis, qui n'a à son palmarès qu'un petit col autrichien et l'enchainement d'Aspin et du Tourmalet l'année dernière, sait par avance qu'il va en baver. D'autant que la température annoncée dépasse les 30 degrés.

Stationnés coté Haute-Savoie, nous passons le vieux pont (poste-frontière entre Seyssel Ain et Seyssel Haute-Savoie), longeons le Rhône, puis bifurquons à l'ouest pour traverser la grande route qui mène vers Anglefort. Un petit bout de route rurale qui commence à s'élever tranquillement, puis nous quittons définitivement le bitume, que nous ne retrouverons que 2km avant le sommet.

Le vélo a un incroyable pouvoir

Je le répète souvent sur Weelz!, le vélo a un incroyable pouvoir ; cette capacité à créer si facilement du lien social, là où vous ne le soupçonneriez pas. Il m'arrive d'avoir des discutions très intéressantes à certains feux rouges en vélotaf (lire ici ou encore ). Dans le cadre d'une sortie sportive comme celle-ci, le vélo vous plonge immédiatement dans une ambiance de franche camaraderie. Je ne connais finalement pas du tout les lascars avec lesquels je roule aujourd'hui. Et pourtant. Ça bavarde, ça palabre, ça chicane, ça charrie, ça casse, ça taille la bavette comme si l'on se connaissait depuis 15 ans. Le vélo à ce pouvoir.

"Ce qui se dit au Grand Colombier, reste au Grand Colombier"

Enfin quand je dis "ça bavarde", c'est lorsque vos poumons en sont encore capables... Cinq kilomètres plus loin, vous comprenez vite que vous êtes entourés de cyclistes montagnards locaux. Indice : ce sont ceux qui continuent de discuter tranquillement le bout de gras en pédalant dans des rampes à plus de 10%, sur du gravier, pendant que vous vous époumonez à tenter de suivre le rythme. A ce moment-là, la couleur de mon visage se confond avec le maillot Mavic de Maxime (mais je garde le sourire).

Le sol est un agrégat de calcaire très fuyant. Il faut rester concentré pour ne pas rouler sur les pierres les plus grosses et éviter la perte d'adhérence. Le Grand Colombier sauce gravel se mérite. Habitués à de tels paysages, mes partenaires de sortie passent le temps en discutant. Journaliste, influenceur ou simplement acteur du marché du cycle, tout le monde en prend un peu pour son grade dans les conversations. Les remarques sont piquantes, mais c'est fait bien sûr avec humour et bienveillance. Motus évidemment. Ce qui se dit au Grand Colombier, reste au Grand Colombier.

On continue de s’élever, tout comme la température

"Ici c'est l'Ain ? Non ici, c'est lent. Mes jambes sont encore avec moi, mais je continue de tirer la langue"

Après deux lacets et une longue ligne droite, de nouveaux lacets s'enchainent. Et l'on continuent de s'élever, progressivement, tranquillement. Ici c'est l'Ain ? Non ici, c'est lent. Mes jambes sont encore avec moi, mais je continue de tirer la langue. J'accroche tant bien que mal mes collègues d'un jour, en tâchant du mieux que je le peux de ne pas me faire distancer (en réalité, ils n'auraient qu'à donner un coup de pédale pour disparaitre).

"Nos trois lapins devant gambadent et font des pauses pour nous attendre"

A partir du petit hameau d’altitude du Moiret, le pourcentage se calme, un peu (toujours 6 à 8%). L'élévation continue, mais à un rythme plus tranquille. Michel commence lui aussi à tirer la langue. Cela m'arrange. Nos trois lapins devant gambadent et font des pauses pour nous attendre. C'est fair play. Après avoir traversé un plateau forestier, où l'ombre fait du bien, nous franchissons à découvert le petit col de Charbemènes. Comme nous, la température continue elle-aussi de grimper, mais la petite brise d'altitude est la bienvenue. Nos gravel se rapprochent du Grand Colombier.

Sommet en vue

Le chemin débouche enfin sur le Grand Colombier. Nous apercevons au loin la croix du Colombier, qui domine le massif du Bugey. Une petite grange au pied des derniers lacets nous donnent l'occasion d'une mini-séance photo. On découvre ensemble qu'il y a bien un retardateur sur les appareils photos de nos smartphones, mais qu'il est beaucoup moins aisé de trouver un support naturel pour faire tenir l'objet.

"juste avant que Michel n'entame son Requiem pour un Frein à disque"

De retour sur l'asphalte. Après deux lacets et les dernières rampes à ±10%, nous atteignons le sommet du col du Grand Colombier. L'occasion de réaliser la traditionnelle photo devant le panneau et d'en réaliser le stickage réglementaire (Weelz y était). Ça, c'est juste avant que Michel n'entame son Requiem pour un Frein à disque, en LA mineur. Problème technique sur le liquide de frein ? Souci de disque ? Défaillance des plaquettes ? Aucune idée. Toujours est-il que le joli Moots titane du responsable RP de Mavic fait un bruit d'enfer au moindre effleurement des leviers de frein. Une chose est sûr, nous ne sommes pas passés inaperçu ce mercredi 21 juillet à la cime du Colombier.

Pour la descente, nous basculons vers le sud sur la commune d'Anglefort. Après une première rampe très rapide, les freins de Michel ont le temps de chauffer et le concerto s'éloigne. Nos oreilles le remercient. Nous enchainons quelques virages, toujours sur le bitume, puis nous bifurquons à gauche sur un chemin, plein nord. L'objectif est de faire la jonction avec notre propre trace.

Le Grand Colombier en gravel et l'Ain sur un plateau

Les forts pourcentages sont derrière nous. Nous allons rouler ainsi en plateau entre 1200 et 1300 mètres d'altitude, sur de magnifiques chemins blancs, qui n'ont rien à envier aux Strade Bianche des environs de Sienne en Toscane. Nous sommes proches du domaine nordique de Sur-Lyand. Les replats et les petits raidillons s'enchainent, tantôt sous les arbres, tantôt au soleil, qui darde ses rayons de plus en plus fort. Petit aller-retour sur un dernier chemin pour nous offrir un point de vue vers le nord et l'est, le massif jurassien, le val du Fier et le lit du Rhône. On aperçoit même le lac du Bourget, au sud.

A fond dans le Golet de la Biche

Il est l'heure d’entamer notre dernière descente, par le col de la Biche, aussi connu sous le nom de Golet de la Biche. Après s’être fait secouer les bras et les mollets pendant plusieurs heures par les graviers de l'Ain, les premiers kilomètres de dénivelé négatif sur bitume sont à la fois grisants et dangereusement libérateurs. C'est le moment où tu ne dois pas relâcher ton attention. La fatigue de la sortie peut t'amener à partir à la faute dans les virages. Cela serait dommage, surtout dans des pointes qui dépassent les 70 km/h. Soyez toujours prudents et prenez conscience de vos capacités à l'attaque d'une telle déclivité.

"les premiers kilomètres de dénivelé négatif sur bitume sont à la fois grisants et dangereusement libérateurs"

FX démontre ses qualités de pilote, tant sur l'asphalte que sur le gravier

Pied du col. Nous passons le village de Gignez, puis Corbonod, pour enfin revenir sur Seyssel (coté Ain). Nous étions bien mieux là-haut. En vallée, la chaleur que l'on découvre au bord du Rhône est écrasante. Nous sommes assoiffés et affamés. Il est temps de récupérer les calories perdues. On vous conseille la boulangerie Bourgeois de Seyssel (Ain), juste en face du Vieux Pont. Les pâtisseries sont à tomber. Pour ceux qui souhaitent tenter l'aventure, la trace de la sortie est disponible ici.

Nos montures pour cette sortie

Nos vélos gravel ont démontré une nouvelle fois leurs aptitudes et surtout leur polyvalence (cf notre article sur le vélo gravel). Ils sont idéaux dans ce type de sortie qui mélange dénivelé positif et négatif, revêtements asphaltés, terreux, herbeux ou gravillonneux. Durant cette sortie, quatre machines avec des tempéraments différents et un panachage des matériaux intéressant (tous en roues de 700, excepté Maxime en 650).

➡️ Michel est venu avec un Moots Titane, fourche carbone, vélo de test de la boite Mavic.
➡️ Maxime chevauchait son Kona Rove LTD perso, cadre acier chromoly, fourche carbone, en montage personnalisé.
➡️ Arnaud et FX était juchés sur des Origine Graxx 2 tout carbone (cf article ici et le test ici).
➡️ Quant à moi, je roulais sur mon Fuji Jari Carbon 1.3, dont vous pouvez retrouver le test juste là.

Crédits photos : Xavier Cadeau / Weelz!, Maxime Brunand, Michel Lethenet, François-Xavier Plaçais et Arnaud aka Gravel Bike des Savoie.

Nous ne sommes que des hommes... ('tassion, coup de gueule)

¹ Par cinq gus, comprenez cinq mecs. Oui, nous étions cinq hommes. Et c'est semble t'il mal vu en 2021, en tout cas sur les réseaux sociaux. J'ai eu l'audace de réaliser une citation dans un post suite à cette sortie : "De la poussière, des cailloux, de la sueur mais surtout pas de larmes", référence à la phrase « Du sang, de la sueur et des larmes » d'un discours de Churchill.

Par "pas de larmes", je voulais bien sûr évoquer le plaisir que nous avions eu à réaliser cette sortie. Mais certain·e·s n'ont pas saisi l'origine ni la subtilité de la phrase et ont préféré y voir misogynie et machisme. Non, l'objectif de la sortie n'était pas de démontrer la suprématie masculine, ni d'aller poser nos bu**** au sommet. Nous aurions roulé avec plaisir avec des collègues féminines. Il se trouvait qu'il n'y en avait pas ce jour-là. J'avoue être un peu las de ce type de débat idiot et stérile. Non ce n'était pas une sortie réservée aux hommes. Non, le vélo sportif n'est pas qu'une pratique phallocentrée. Lors de cette sortie, il n'y avait pas de femmes. So what ? 

Weelz! soutient la cause vélo. Et cette cause ne devrait pas avoir de genre. Vélotaf, vélo de route, gravel, VTT… Je me contrefout bien que vous ayez envie de ne rouler qu'entre mecs ou uniquement entre filles (coucou les GOW) ou encore que vous teniez à ce que chaque sortie respecte la parité homme-femme ou la mixité LGBTQIA+. Du moment que vous êtes en selle, cela me va bien. Voilà c'est dit.

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